Après des études de graphisme à Bordeaux, je m'installe à Dublin, en 1999, à l'âge de 23 ans : je travaille alors comme graphiste pour une société de Whisky. Artiste autodidacte, je passe de plus en plus de temps à dessiner et je découvre, pendant plusieurs mois en Asie et en Océanie, l'utilisation de l'argile en Nouvelle-Calédonie. De retour en Europe en 2002, je me suis installée à Milan et j'ai décidé de me consacrer entièrement à la céramique. J'ai réalisé ma première exposition à l'Espace culturel Frida. Un nouveau voyage en Asie m'a permis d'approfondir et de personnaliser mon travail. Installée près de Bordeaux depuis 2004, j'ai d'abord produit des céramiques, associant une forme à un dessin. A la recherche d'une plus grande liberté dans la manière de m'exprimer, j'ai peu à peu abandonné la terre pour privilégier un nouveau matériau : la résine puis l'aluminium. Il me permet de donner à mes dessins la forme que je souhaite.
La géométrie débridée
Le parcours de Nicolas Dubreuille vers l'art est sinueux : après des débuts dans la communication visuelle, un travail de graphiste et une pratique intensive de la céramique, il se consacre à la sculpture sur toile vers le milieu de l'année 2010. Son art s'est progressivement soumis au langage de la géométrie en lui insufflant un esprit ludique, excluant l'austérité souvent associée à cette forme d'art.
Le caractère foisonnant et dynamique de l'inspiration créatrice de Nicolas Dubreuille s'exprime particulièrement bien dans sa sculpture. Sans contrainte de masse, ses créations en métal ou peintes oscillent entre abstraction et figuration : nées de l'intersection de surfaces planes géométriques, elles évoquent généralement la figure humaine. La disposition des formes est essentiellement verticale, tandis que des éléments apparentés à des membres se déploient latéralement. On trouve également quelques détails évocateurs comme un plan creusé d'un petit oculus en guise d'œil. Néanmoins, on observe une évolution progressive vers une sculpture plus abstraite. La manière dont il crée son art en est l'une des raisons ; il a accumulé un réservoir de formes avec lesquelles il crée ses volumes, comme un alphabet sans fin. En effet, une œuvre émerge de l'ajout progressif d'éléments qui étaient à l'origine des chutes de ses sculptures précédentes et qui n'étaient pas destinés à être utilisés. Il y a donc une part d'inconnu dans l'aspect final de l'œuvre puisqu'elle n'est plus l'expression concrète en trois dimensions reflétant une étude préparatoire. Les sculptures de Nicolas Dubreuille appartiennent indéniablement au genre de la sculpture par les volumes virtuels qu'elles engendrent, les rythmes et les tensions uniques qu'elles créent dans l'espace. Cependant, elles reflètent la structure bi-dimensionnelle de la peinture. Jouant notamment avec des couleurs uniques, vives et brillantes, elles ont une présence qui mêle un minimalisme élégant à l'humour du pop, ou par exemple Antony Caro et Keith Haring, deux artistes aux univers très différents qui l'ont pourtant influencé de la même manière.
La couleur occupe également une place prépondérante dans ses peintures, mais contrairement à la sculpture, il explore la variété et la diversité de ses qualités. Depuis 2015, l'artiste crée une série de peintures basées sur l'utilisation de plans colorés, exécutés sur toile ou sur papier de riz, afin d'ajouter plus de substance à l'œuvre d'art. La répartition savamment orchestrée de ces plans colorés sur la toile bidimensionnelle repose sur la combinaison de rythmes horizontaux, verticaux et diagonaux. La gradation des couleurs et les effets de transparence et de profondeur émergent de leur superposition décalée et de leur position juxtaposée. Avec un savoir-faire et une dextérité impressionnante, Nicolas Dubreuille semble tester le caractère expérimental et intuitif de sa démarche : d'une œuvre à l'autre, la composition est presque identique mais les couleurs, les nuances, les tons et l'intensité de la lumière changent. Dans certains tableaux, les éléments de la composition se distinguent nettement du fond uni, contribuant à donner une impression de légèreté et de flottement. Ailleurs, les fonds et les formes se rencontrent à parts égales et se fondent sur la surface. Une série d'œuvres, limitées au noir et blanc et à leurs dégradés, marque une rupture en tant que telle, exprimant un besoin de se recentrer sur ses objectifs. Si les formes rectangulaires et leurs dérivés sont privilégiés, les toiles aux formes circulaires sont également présentes. Certaines toiles renvoient à cet égard aux recherches expérimentales des pionniers de l'abstraction géométrique ou, plus récemment, à celles du grand maître de la couleur, Piero Dorazio.
Depuis peu, Nicolas Dubreuille a adopté une nouvelle approche de sa peinture : ses compositions, structurées par de larges bandes de couleur, sont plus éclatantes et ont gagné en clarté. Entrelacées et contraintes par les limites physiques du cadre, elles déterminent une zone de faible profondeur et créent un sentiment de tension. Afin de se concentrer sur l'impact visuel de sa peinture, l'artiste a réduit sa gamme de couleurs à six plans de couleurs parfaitement précis, sans aucune modulation ni gradation, dans la pure tradition de la hard-edge painting américaine. Le regard est ainsi attiré par la relation entre les éléments, le jeu d'équilibre et de tension structurant la surface du tableau de manière dynamique.
L'art de Nicolas Dubreuille, artiste qui s'est allié à la couleur et à la géométrie, est animé par un désir de recherche et de renouvellement. Ses peintures, visuellement intenses, comme ses sculptures, ne se plient à aucun système et résonnent de manière contemporaine par leur esprit minimaliste et pop.
- Domitille d'Orgeval Critique d'art